avec des peintures de Claude Viallat
Collection Mémoires
30 exemplaires imprimés et 6 exemplaires manuscrits
La bouche devant les yeux, je m'avance et je parle.
Dans les verts ordonnés, les fibres optiques et lumineuses de la langue lèchent
les formes du paysage. Ma langue est dans la langue. C'est facile comme ma
langue est dans ta bouche. C'est l'expression d'un baiser. Avec le désir de
dire plus !
Seul dans un appartement, nous pouvons faire des
gestes en l’air, des gestes de dépit, des gamineries excentriques. L’on peut
discuter avec personne, à peine avec soi. Une émission radiophonique peut nous
faire pleurer en toute intimité. On peut réprimander une corneille sur le bas
bord d’une fenêtre. On peut se dire qu’il serait bon de rouler son chagrin dans
les bras d’une femme. On peut regretter la perte d’un ami et se laisser envahir
par la nuit noire.
Je
me souviens déjà de vous, de vos chemises et de vos cigarettes. De vos poèmes.
D’une musique dans la rue et de sa nuit. Je me souviens déjà de vous, de vos
yeux noirs et de leur lumière. Je me souviens déjà des femmes silencieuses et
décidées, assises contre les palissades. Je me souviens déjà de vous et d’un
fameux trottoir qui traversa le ciel une nuit d’été.